L’Émerillon (Ottawa), 1948, Journal l’Ordre de Jacques Cartier, Université d’Ottawa, CRCCF, Collection de périodiques du CRCCF, PER80V17N4.

Coutoisie de l’Université d’Ottawa, Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF).

L’Émerillon (Ottawa), 1948, L’Ordre de Jacques Cartier Journal, University of Ottawa, CRCCF, CRCCF Periodical Collection, PER80V17N4.

Courtesy of the University of Ottawa, Centre for Research on French Canadian Culture (CRCCF).

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Un groupe de fonctionnaires fédéraux francophones, réunis autour d’un ecclésiastique d’Ottawa, fondent à Ottawa en 1926 l’Ordre de Jacques-Cartier (OJC), connu également sous le nom de « La Patente ». Ces hommes sont très préoccupés par le sort de leur groupe ethnique. Ils sont convaincus que s’ils n’agissent pas rapidement, les francophones catholiques seront de plus en plus tenus à l’écart des lieux de pouvoir et, par le fait même, assimilés. Ils décident donc de fonder une société secrète qui agira dans l’ombre pour forcer la société canadienne à reconnaître la communauté francophone et à lui faire une place.

L’OJC prend naissance dans la capitale canadienne et étend rapidement son influence aux quatre régions canadiennes où se regroupent les francophones : en Ontario, au Québec, en Acadie et dans l’Ouest. « La Patente » tente d’exercer son influence en infiltrant les organisations francophones. Sa progression est constante jusque vers 1960. Par la suite, les dissensions profondes entre sa direction, exercée exclusivement d’Ottawa, et l’aile québécoise de l’organisation deviennent insoutenables et provoquent sa dissolution.

L’histoire de l’OJC est liée à deux visions du « Canada français » qui se dessinent, s’affrontent, puis se dissocient : celle d’une communauté francophone solidaire répartie sur l’ensemble du territoire canadien, voire même jusqu’en Nouvelle-Angleterre, et celle d’une communauté francophone possédant son propre État (le Québec), dont la force suffit à promouvoir les intérêts des francophones hors Québec.

La fondation de l’Ordre de Jacques-Cartier

On ne peut remonter aux sources de l’Ordre de Jacques-Cartier sans évoquer un dialogue resté célèbre dans la mémoire des fondateurs, qui l’ont reconstitué et souvent évoqué. Au cours de cette conversation, qui aurait eu lieu en 1926, l’abbé François-Xavier Barrette, curé de la paroisse Saint-Charles d’Ottawa, persuade Albert Ménard, un ingénieur civil travaillant au Bureau de l’ingénieur-en-chef au ministère des Travaux publics à Ottawa, de la nécessité de bâtir une organisation s’apparentant à la franc-maçonnerie pour éviter le fléau de l’assimilation et assurer l’avenir du groupe ethnique canadien-français. Il faut, fait valoir l’Abbé Barrette, donner à l’organisation des assises catholiques et canadiennes-françaises mais agir comme le font les anglophones, efficacement et dans l’ombre.

Réunissant autour d’eux une poignée d’hommes dont ils connaissent bien les convictions patriotiques, Albert Ménard et l’abbé Barrette organisent, dans le plus grand secret, une rencontre au presbytère de la paroisse Saint-Charles d’Ottawa le 22 octobre 1926. Au cours de cette réunion, on décide de fonder une société secrète et Albert Ménard en devient le président. Les réunions se succèdent par la suite à un rythme constant. En novembre, on débute l’élaboration d’une constitution et en décembre, on décide qu’une société secrète a absolument besoin d’un rituel, dont on confie l’élaboration à Émile Lavoie, troisième personnage clé de cet organisme naissant. La première initiation de nouveaux membres a lieu à l’hiver 1927.

La commanderie est la cellule locale de l’organisation. La première à voir le jour est appelée commanderie Dollard, à laquelle se joignent bientôt quelques commanderies du côté du Québec. En 1930, l’OJC compte déjà 16 commanderies, dont neuf sont situées en Ontario et deux dans l’Ouest, le reste étant des commanderies du Québec. Dans les années 1930, la progression de l’OJC est plus rapide et plus importante au Québec qu’en Ontario. En 1934, l’organisation compte 59 commanderies, dont 39 au Québec et 13 en Ontario. L’ensemble des régions où se concentrent les Canadiens français sont maintenant représentées : Ontario, Québec, Acadie, Ouest.

La dissolution

L’année 1964 est marquée par la préparation d’un Manifeste, qui est adopté en novembre par le congrès du Conseil provincial du Québec. On y prend position en faveur d’un État national francophone au Québec. Cet État veillerait à la protection des droits des francophones hors Québec en exigeant pour eux les mêmes garanties que celles qu’il accorderait lui-même à la minorité anglophone du Québec. Mais les francophones hors Québec ne se rallient pas à cette proposition. Cet épisode s’inscrit dans ce qu’on appelle l’éclatement du projet du « Canada français ».

Lors d’une réunion régulière de la Chancellerie à Ottawa les 27 et 28 février 1965, après bien des mois de discussions et d’affrontements, une résolution visant à dissoudre l’Ordre de Jacques-Cartier récolte une majorité des voix. Le groupe québécois propose d’abord une réorganisation en profondeur de l’OJC, où la représentation à la direction et la répartition des pouvoirs seraient proportionnelles à la population canadienne-française des quatre régions. Les éléments du Québec, province regroupant la grande majorité de la population canadienne-française, détiendrait ainsi les rennes du pouvoir au sein de l’OJC réorganisé. Les chanceliers de l’Ontario, auxquels se joignent ceux de l’Acadie et de l’Ouest, proposent plutôt la dissolution de l’Ordre de Jacques Cartier.

L’Ordre franco-ontarien

Les membres ontariens de l’Ordre de Jacques-Cartier (OJC) ne renoncent pas facilement à un mouvement qui a déjà presque 40 ans d’histoire. Dans les rangs ontariens, c’est la consternation lorsqu’on apprend la dissolution de l’organisation, votée au cours de la réunion des Chanceliers les 27 et 28 février 1965. La résolution qui prévoit la dissolution de l’OJC ouvre la porte à la formation de quatre entités différentes dans les quatre régions où l’organisation s’était implantée.

En Ontario, c’est sans interruption que les membres de l’ancien OJC continuent leurs activités. Comme l’OJC n’existe plus, il leur faut cependant mettre sur pied une nouvelle entité, à laquelle ils donnent le nom de Commandeurs de l’Ordre des Franco-Ontariens (COFO). On estime encore nécessaire qu’il s’agisse d’une organisation secrète. L’organisation adopte donc un nom de façade : Association culturelle ontarienne (ACO). Sa structure est identique à celle de l’Ordre de Jacques-Cartier : une autorité suprême, la Chancellerie, et des commanderies locales, auxquelles s’ajoutent des structures intermédiaires. On conserve un rituel, mais il s’agit d’un rituel simplifié. L’Ordre franco-ontarien continue l’œuvre de l’OJC et agit dans l’ombre, tout comme le faisait l’organisation précédente.

En 1970, face à l’évolution de la société québécoise, le Comité d’orientation de la COFO préconise le repli sur les réalités ontariennes, renonçant à toute attente vis-à-vis le Québec. Ses préoccupations restent fidèles à celles qui avaient motivé la fondation de l’OJC plus de 40 années auparavant : promouvoir les droits des Canadiens français catholiques. Tout indique qu’en janvier 1971, l’organisation vit une situation financière plutôt précaire. On renonce d’ailleurs à avoir recours au travail salarié. L’organisation n’a jamais officiellement cessé d’exister, mais ne laisse plus de trace d’activités après 1971.

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English – Coming soon.

La présence française en Ontario: 1610, passeport pour 2010,  « L’Ordre de Jacques Cartier », 2003. Exposition virtuelle, Université d’Ottawa, CRCCF.
Source

Centre de recherche en civilisation canadienne française (CRCCF) de l’Université d’Ottawa

Le CRCCF s’intéresse à la société et à la culture des communautés francophones de l’Amérique du Nord d’hier et d’aujourd’hui. Il mène des activités de recherche et de diffusion du savoir en plus de conserver et de mettre en valeur une riche collection de ressources documentaires. Dans le monde de la recherche universitaire sur les francophonies canadiennes, le CRCCF se distingue par le développement en synergie de ces trois volets d’activité : archives, recherche et publications.

Centre for Research on French Canadian Culture at the University of Ottawa

The Centre for Research on French Canadian Culture (Centre de recherche en civilisation canadienne-française or CRCCF) of the University of Ottawa was founded in 1958 and offers a range of specialized services to the university, faculty and students, as well as the public at large. An abundance of research material (textual documents, photographs, audio and video tapes, newspapers and periodicals) on French Canada is available at the Centre’s archives.


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