Jean Charbonneau, écrivain, traducteur et membre fondateur de l’École litéraire de Montréal, donnant une entrevue à son ami Paul de Martigny, ca. 1930, artiste inconnu, Université d’Ottawa, CRCCF, Fonds Albert  Laberge (P6), Ph6-4.
Courtoisie de l’Université d’Ottawa, Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF).

Jean Charbonneau, Writer, Translator, and Founding Member of the Literary School of Montréal, Giving an Interview with his Friend Paul de Martigny, ca. 1930, Artist Unknown, University of Ottawa, CRCCF, Fonds  Albert  Laberge (P6), Ph6-4.
Courtesy of the University of Ottawa, Centre for Research on French Canadian Culture (CRCCF).

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Au début, un noyau de chercheurs

La fondation d’un centre de recherche consacré à la littérature canadienne-française à l’Université d’Ottawa, en 1958, s’inscrit dans une conjoncture d’émancipation nationale par rapport à la littérature française, jusqu’alors considérée comme la seule valable dans le monde francophone. En 1860, l’émergence de l’École littéraire de Québec, à l’instigation de l’abbé Henri-Raymond Casgrain, joua un rôle important dans l’histoire de cette littérature de chez nous, tout comme l’École littéraire de Montréal fondée en 1895, qui regroupait des écrivains et des poètes tels Jean Charbonneau, Albert Ferland, Louvigny de Montigny et Émile Nelligan. Le père Louis-Marie-Cyprien Le Jeune, professeur de rhétorique à l’Université d’Ottawa, démontre un intérêt marqué pour l’histoire de cette littérature en fondant la Revue littéraire de l’Université d’Ottawa en 1900. Jusqu’au milieu du siècle, la recherche se poursuit grâce à l’instigation de passionnés, tel Séraphin Marion, fonctionnaire et professeur de littérature canadienne à l’Université d’Ottawa de 1926 à 1954.

En 1951, un jeune chercheur récemment arrivé de Pologne, Paul Wyczynski, se consacre à  la préparation d’une thèse de doctorat sur Émile Nelligan tout en enseignant la littérature à l’Université d’Ottawa. Grand passionné des études littéraires canadiennes-françaises, il souhaite créer un lieu et un milieu propices pour les chercheurs. Il confie ses ambitions à trois de ses collègues, le père Bernard Julien, Jean Ménard et Réjean Robidoux, puis, le 5 juin 1958, il présente au doyen de la Faculté des arts, le père René Lavigne, et au recteur, le père Henri Légaré, le résultat de ses observations sur la perspective de créer un centre de recherche en littérature canadienne-française (CRLCF). En juillet de la même année, les quatre collègues présentent un mémoire au recteur, sollicitant les ressources pour la mise sur pied de ce futur centre. Le 2 octobre 1958 naît officiellement le CRLCF : premier du genre au Canada. […]

La mission du Centre

La vision de départ du CRLCF, axée sur la recherche, allait être rapidement dépassée. De 1959 à 1962, le Centre est appelé à jouer un rôle au niveau de l’enseignement par sa contribution à la création de sept cours au niveau des études supérieures et de deux cours de baccalauréat au sein du programme du Département de français portant sur la littérature canadienne-française. Les thèmes varient selon les champs d’intérêts des professeurs : on offre ainsi des cours sur les écrivains, sur la sociologie canadienne-française et sur l’étude comparée des littératures de l’Amérique du Nord.

Ce bouillonnement intellectuel produit une recrudescence de mémoires et de thèses traitant de personnages marquants de cette littérature : Octave Crémazie, Arthur de Buissière, Albert Lozeau, Charles Gill et plusieurs autres. Après dix ans d’existence, le Centre a déjà cinq collections de publications à son actif: « Archives des lettres canadiennes », « Visages des lettres canadiennes », « Voix vivantes », « Présence », et « Les Cahiers du centre de recherche en littérature canadienne-française ». Ces publications appuient à la fois le domaine de l’histoire littéraire, des auteurs, de la poésie, des éditions critiques et des études littéraires.

Grâce aux conférences et expositions qu’il organise, le CRLCF devient un pôle important de la vie intellectuelle canadienne-française. Il accueille des écrivains et artistes tels que Louis-Joseph Doucet, Guy Sylvestre, Gérard Bessette, Suzanne Paradis, Alfred Desrochers, Gilles Vigneault, Yves Thériault, Claire Martin, Robert Choquette, Félix-Antoine Savard et tant d’autres.

De nécessaires changements

Devant le succès remporté auprès de la communauté intellectuelle canadienne-française, le Centre caresse le projet d’élargir son mandat. Entre 1967-1968, le CRLCF créé un poste de directeur des publications pour les cinq collections puis, l’année suivante, il devient interdisciplinaire en intégrant la littérature, l’histoire et les beaux-arts à ses champs d’intérêts. Il portera désormais le nom de Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF).

Un autre changement majeur survient le 1er juillet 1973, lorsque Paul Wyczynski annonce son départ après 15 ans aux commandes du Centre. Il cède sa place à un historien spécialiste de l’histoire intellectuelle, culturelle et religieuse du Canada français, Pierre Savard. Le nouveau directeur, plus ouvert aux autres disciplines, modifie quelque peu la structure administrative. Jusque-là rattaché à la Faculté des arts, le Centre passe en 1978 sous la gouverne de l’École des études supérieures et de la recherche, ce qui reflète davantage son interdisciplinarité. Entre 1970 et 1985, le CRCCF connaît un rayonnement sans pareil dû à l’accroissement de ses activités de recherche, ses publications, ses colloques et ses conférences mais également grâce au dynamisme de son directeur. Cette croissance concorde avec le développement des études sur la littérature franco-ontarienne.

La seconde moitié des années 1980 et le début des années 1990 marquent l’avènement de restrictions budgétaires dans les services publics y compris l’enseignement supérieur. Sous la direction de Yolande Grisé (1985-1997), le CRCCF doit faire face à de drastiques coupures budgétaires qui vont jusqu’à menacer l’existence même du Centre. Une évaluation externe réalisée en 1989 et plusieurs changements d’ordre administratif apportés entre 1992 et 1997 laissent entrevoir un avenir incertain pour le CRCCF. Il est même question d’une possible fusion avec l’Institut d’études canadiennes, mais les  protestations fusent de toutes parts dans la communauté franco-ontarienne et l’Université abandonne cette idée.

Le Centre profite de ces difficultés pour évoluer, se donner de nouveaux statuts et moderniser sa structure. Robert Choquette (1997-2000) puis Jean-Pierre Wallot (2000-2006) inscrivent le CRCCF dans la recherche institutionnelle au tournant du XXIe siècle, l’ouvrant aux sciences sociales et à la francophonie canadienne. […]

Une riche collection documentaire

[…] L’élargissement de la vocation du Centre et la réorganisation des archives, suite à l’embauche d’un archiviste en 1968, attestent de sa vitalité. L’année suivante, l’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO) décide de confier ses archives au CRCCF : cette date marque une étape importante dans le développement de la collection et, surtout, consacre le Centre comme lieu de mémoire documentaire des Franco-Ontariens.

Les nouvelles acquisitions triplent le contenu de  la collection par rapport à la première décennie, si bien que les ressources documentaires du Centre passent à 232 fonds d’archives en 1980, puis à 307 en 1985, sans parler des périodiques, journaux et ouvrages de références de la bibliothèque. En 2011, le CRCCF compte plus de 525 fonds et collections d’archives comprenant des documents textuels, photographiques, sonores, images en mouvement et autres, le tout accessible via une base de données, dont une partie est accessible en ligne sur son site Web et sur ceux des réseaux canadien et ontarien d’information archivistique.

Cette effervescence contribue également à diversifier les champs d’acquisition des archives du Centre selon quatre axes de développement : Culture du Canada français, les Ottaviens, les francophones de l’Ontario, le Canada français et les francophonies canadiennes. Les archives du CRCCF regroupent ainsi un formidable patrimoine commun et témoignent d’un véritable pan de la culture française au Canada. […]

Le gardien d’un précieux patrimoine culturel

Le CRCCF est désormais le principal centre d’archives de l’Ontario français et l’un des plus importants de la francophonie canadienne. Sa collection  reflète la transformation progressive du Canada français, d’identité unique à identités multiples. Ses archives constituent également un important corpus de sources primaires, indispensables à la recherche dans les différentes disciplines des sciences humaines et sociales. C’est donc un formidable pan de la culture française au Canada qui est offert aux chercheurs universitaires ainsi qu’au grand public francophone et francophile.  Depuis plus d’un demi-siècle, le Centre participe à l’essor de la francophonie nord-américaine et considère comme un immense privilège de pouvoir contribuer à cette grande aventure.

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Centre for Research on French Canadian Culture

At the beginning, a core of researchers

The founding of a research centre on French-Canadian literature at the University of Ottawa, in 1958, took place at a time when this literature was setting itself apart from the literature of France, which until then had been considered as the only literature of value in the Francophone world. In 1860, the emergence of the École littéraire de Québec (Quebec Literary School), at the instigation of Abbé Henri-Raymond Casgrain, played an important role in the history of this homegrown literature, as did the École littéraire de Montréal, founded in 1895, which included writers and poets such as Jean Charbonneau, Albert Ferland, Louvigny de Montigny, and Émile Nelligan. Father Louis-Marie-Cyprien Le Jeune, professor of rhetoric at the University of Ottawa, proved his interest in the history of this literature by founding the Revue littéraire de l’Université d’Ottawa in 1900. The research continued until the middle of the century thanks to the work of dedicated people such as Séraphin Marion, a civil servant and professor of Canadian literature at the University of Ottawa from 1926 to 1954.

In 1951 Paul Wyczynski, a young researcher who had recently come from Poland, wrote a doctoral dissertation on Émile Nelligan while teaching literature at the University of Ottawa. Passionately devoted to studies in French-Canadian literature, he hoped to create a welcoming place that would be a milieu for researchers. He spoke of his ambitions to three of his colleagues, Father Bernard Julien, Jean Ménard, and Réjean Robidoux. Then, on 5 June 1958, he presented to the dean of the Faculty of Arts, Father René Lavigne, and to the rector, Father Henri Légaré, his remarks on the possibility of creating a research centre for French-Canadian literature (Centre de recherche sur la littérature canadienne-française, CRLCF). In July of that year, the four colleagues presented a memorandum to the rector, requesting resources to set up this future centre. On 2 October 1958, the CRLCF was born, the first of its kind in Canada. […]

The Centre’s mission

The original vision of the CRLCF, based on research, was soon expanded. From 1959 to 1962, the Centre was called on to play a teaching role by contributing to the creation of seven graduate courses and two undergraduate courses in the Department of French on French-Canadian literature. The subjects varied according to the professors’ areas of interest; courses were offered on writers, French-Canadian sociology, and comparative study of North American literatures.

This intellectual ferment led to increased numbers of master’s theses and doctoral dissertations on leading figures in this literature: Octave Crémazie, Arthur de Buissière, Albert Lozeau, Charles Gill, and many others. Ten years after it was founded, the Centre was already responsible for five series of publications: “Archives des lettres canadiennes”, “Visages des lettres canadiennes”, “Voix vivantes”, “Présence”, and “Les Cahiers du centre de recherche en littérature canadienne-française”. These publications contributed to the study of literary history, authors, poetry, critical editions, and literary studies.

Thanks to the lectures and exhibits it organized, the CRLCF became an important part of French-Canadian intellectual life. It hosted writers and artists such as Louis-Joseph Doucet, Guy Sylvestre, Gérard Bessette, Suzanne Paradis, Alfred Desrochers, Gilles Vigneault, Yves Thériault, Claire Martin, Robert Choquette, Félix-Antoine Savard, and many others.

Necessary changes

In view of its success in the French-Canadian intellectual community, the Centre considered ways to enlarge its mandate. In 1967-1968, the CRLCF created the position of director of publications for the five series, and the following year it became interdisciplinary by including literature, history and fine arts in its areas of interest. Its name was changed to Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF), or in English, Centre for Research on French Canadian Culture.

Another major change occurred on 1 July 1973, when Paul Wyczynski announced his departure after 15 years of leading the Centre. He was succeeded by Pierre Savard, a historian specializing in the history of ideas, culture and religion in French Canada. The new director, more open to other disciplines, made some changes in administrative structure. The Centre, which had until then been attached to the Faculty of Arts, in 1978 became part of the School of Graduate Studies and Research, which better reflected its interdisciplinarity. Between 1970 and 1985, the CRCCF’s influence was unparalleled thanks to its research activities, publications, conferences and lectures, and to the energy of its director. This growth coincided with the development of Franco-Ontarian literature studies.

The second half of the 1980s and the early 1990s were marked by budgetary restrictions in public services, including higher education. Under the direction of Yolande Grisé (1985-1997), the CRCCF faced drastic budget cuts that threatened the Center’s very existence. An external evaluation carried out in 1989 and a number of administrative changes in 1992 and 1997 suggested an uncertain future for the CRCCF. There was even talk of amalgamation with the Institute of Canadian Studies, but protests arose from everywhere in the Franco-Ontarian community, and the University gave up the idea.

The Centre took advantage of these difficulties by changing, adopting new statutes, and modernizing its structure. Robert Choquette (1997-2000) and Jean-Pierre Wallot (2000-2006) made the CRCCF part of institutional research at the turn of the twenty-first century, opening it to social sciences and to Canadian Francophonie. […]

A rich collection of documents

[…] The enlargement of the Centre’s mission and the reorganization of its archives, after an archivist was hired in 1968, attest to its vitality. The following year, the Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO) decided to entrust its archives to the CRCCF. This date marks an important step in developing the collection, and in particular, confirms the Centre as a place of documentary memory of Franco-Ontarians.

The new acquisitions tripled the content of the collection compared to the first decade; the Centre’s documentary resources increased to 232 archive collections in 1980, then to 307 in 1985, not to mention the periodicals, newspapers, and reference works in the library. In 2011, the CRCCF had more than 525 archive collections including textual, photographic, sound, moving picture, and other documents, all accessible through a data base, part of which is accessible online on its website and on those on the Canada and Ontario archive information networks.

This activity also helped to diversify the areas of acquisition of the Centre’s archives, through four development themes: Culture of French Canada, Ottawa and the Outaouais, Francophones of Ontario, French Canada and Canadian Francophonies. The CRCCF’s archives thus constitute a remarkable common heritage and display an important part of French culture in Canada. […]

Guarding a precious cultural heritage

The CRCCF is now the main archive centre for French Ontario and one of the most important for Canadian Francophonie. Its collection reflects the gradual transformation of French Canada, from a single identity to multiple identities. Its archives also constitute an important corpus of primary sources, essential for research in the various disciplines of the humanities and social sciences. It is thus a remarkable resource on French culture in Canada, offered to university researchers as well as to the general Francophone and francophile public. For more than half a century, the Centre been part of the impetus of North American Francophonie and considers it an immense privilege to be able to contribute to this great adventure.

Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, 2007:
Extrait de l’article « Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF) » par Nicole Bonsaint
Source

* Pour plus d’informations sur les sources citées dans cet article / For more information about the sources cited in this article:
Source

Centre de recherche en civilisation canadienne française (CRCCF) de l’Université d’Ottawa

Le CRCCF s’intéresse à la société et à la culture des communautés francophones de l’Amérique du Nord d’hier et d’aujourd’hui. Il mène des activités de recherche et de diffusion du savoir en plus de conserver et de mettre en valeur une riche collection de ressources documentaires. Dans le monde de la recherche universitaire sur les francophonies canadiennes, le CRCCF se distingue par le développement en synergie de ces trois volets d’activité : archives, recherche et publications.

Centre for Research on French Canadian Culture at the University of Ottawa

The Centre for Research on French Canadian Culture (Centre de recherche en civilisation canadienne-française or CRCCF) of the University of Ottawa was founded in 1958 and offers a range of specialized services to the university, faculty and students, as well as the public at large. An abundance of research material (textual documents, photographs, audio and video tapes, newspapers and periodicals) on French Canada is available at the Centre’s archives.


Info: 65, rue Université, pièce 040, Ottawa, ON, K1N 6N5
Tel: 613-562-5877
arts.uottawa.ca/crccf/archives