Première levée du drapeau franco-ontarien à l’Université d’Ottawa, 1983, Archives de l’Université d’Ottawa, Fonds 6, AUO-PHO-NB-6-1983-6.

Courtoisie des Archives de l’Université d’Ottawa.

Raising of the Franco-Ontarian flag for the first time at the University of Ottawa, 1983, Archives of the University of Ottawa, Fonds 6, AUO-PHO-NB-6-1983-6.

Courtesy of the Archives of the University of Ottawa.

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Le blanc de nos hivers et le vert de nos étés…

Puisque « [l]e succès d’un symbole réside toujours dans sa simplicité […] »*, le drapeau franco-ontarien, à l’instar d’autres étendards, épouse une formule classique en limitant ses couleurs. Il se divise en deux parties égales : du côté gauche, on retrouve la fleur de lys blanche sur fond vert et du côté droit, la fleur de trille verte sur fond blanc. Le lys symbolise l’appartenance à la francophonie alors que la fleur de trille affirme l’attachement à part entière à la province de l’Ontario. En ce qui a trait aux couleurs, Gervais et Dupuis voulaient éviter tout dessein politique. Le rouge et le bleu étant identifiées à des partis politiques, elles devaient donc être écartées. Ce n’est que par la suite que les créateurs ont justifié leur choix de façon poétique : les couleurs choisies rappellent le blanc de nos hivers et le vert de nos étés.*

Un symbole pour tous

Le drapeau franco-ontarien est cependant bien plus que sa composante physique, qui a d’ailleurs changé depuis 1975.* Sa valeur patrimoniale réside dans le parcours historique de son utilisation et dans le caractère emblématique que la communauté franco-ontarienne lui confère. En effet, si le drapeau franco-ontarien met quelque temps à s’imposer en tant que symbole unique de cette communauté hétéroclite, il occupe maintenant ce rôle et ce, sans équivoque. Dès 1977, l’Association canadienne-française d’éducation d’Ontario, organisme ontarien d’envergure, semble l’adopter officiellement. C’est cependant le système d’éducation qui, comme l’explique Tina Desabrais, « a joué un rôle majeur dans la diffusion du drapeau et dans la sensibilisation croissante des différentes communautés à son égard ».* En effet, en 1979, le ministère de l’Éducation de l’Ontario précise qu’il n’y a pas de règlement qui interdit l’usage du drapeau franco-ontarien dans les écoles, à condition que ce dernier flotte aux côtés des drapeaux ontariens et canadiens.  De nos jours, les écoles franco-ontariennes consacrent  même une journée spéciale à celui-ci, « la fête du drapeau », le 25 septembre de chaque année.

Le rôle symbolique du drapeau franco-ontarien dépasse cependant les frontières du monde scolaire et on peut également le voir flotter lors d’événements tels que la Nuit sur l’Étang ou le Festival franco-ontariens, lors de manifestations, de ralliements, devant les bureaux d’organismes ou de services gouvernementaux, de même que devant certains commerces.

Historique et évolution

Le drapeau franco-ontarien est né dans la foulée des événements qui peuvent être qualifiés de « Révolution culturelle » en Ontario français. Au début des années 1970, de nombreuses initiatives culturelles et artistiques voient le jour dans cette province, notamment dans la région de Sudbury. À titre d’exemple, notons la création de la maison d’édition Prise de parole, du Théâtre du Nouvel-Ontario et de la Galerie du Nouvel-Ontario, qui existent toujours aujourd’hui, de même que la Coopérative des Artistes du Nouvel-Ontario (CANO) et CANO musique, dont les retombées culturelles se font toujours sentir dans le milieu artistique de la province.

Les années 1970 sont donc un contexte propice à la création d’un symbole rassembleur pour une communauté qui cherche à se définir ou, plutôt, à se redéfinir dans un Canada d’après la Révolution tranquille québécoise, alors que l’appellation « Canadien français » tombe en désuétude.  À cette époque, Gaétan Gervais, qui est professeur d’histoire à l’Université Laurentienne, et Michel Dupuis, un étudiant qui entame sa deuxième année dans le programme de Sciences politiques, sont de proches alliés dans l’élaboration de ce projet. Au fil des rencontres et des discussions dans le « Grand Salon » de l’Université Laurentienne, le drapeau franco-ontarien se dessine. Gervais raconte :

On s’était armé de ciseaux et de cartons de couleur, puis on avait essayé différentes combinaisons de symboles, de couleurs. Notre idée était de trouver un symbole qui représente les Franco-Ontariens. (…) On a cherché pour nos deux symboles. Je pense que la fleur de lys, on l’avait trouvée dans un dictionnaire et la fleur de trille, sur une enveloppe du gouvernement de l’Ontario.*

Ils approchent ensuite Jacqueline England, secrétaire du service d’animation de l’Université Laurentienne, qui se charge de coudre le tout premier drapeau franco-ontarien.* Puis vint le dévoilement officiel. Dupuis décrit ainsi l’événement mémorable « Le 25 septembre, accompagné d’un vent quasi complice d’un moment tant attendu, flottait, pour la première fois, au mât de l’Université de Sudbury, un nouveau symbole, c’est-à-dire le drapeau franco-ontarien ».*

Le choix de l’Université de Sudbury pour cette cérémonie s’imposait. En effet, cette institution affiliée à l’Université Laurentienne revêt une importance symbolique pour la communauté franco-sudburoise. Car l’Université de Sudbury est une institution catholique de langue française fondée en 1957 par les Jésuites, qui étaient aussi responsables du Collège du Sacré-Cœur, un collège classique qui ouvre ses portes à Sudbury en 1913. Lorsque l’Université Laurentienne est fondée en 1960, l’Université de Sudbury devient un collège fédéré qui maintient néanmoins une certaine autonomie administrative par rapport à la Laurentienne.

Le drapeau ne suscite pas tout de suite l’enthousiasme de la population au cours des quelques mois, voire des quelques années, qui suivent son dévoilement. L’étude qu’en fait Tina Desabrais dans Le drapeau franco-ontarien est révélatrice à cet égard. Un mois après le lancement du drapeau, ce dernier est présenté pour la toute première fois à l’extérieur de Sudbury dans le cadre du congrès provincial de l’Association canadienne-française de l’Ontario qui avait lieu à Timmins. Lors du congrès, deux groupes proposent chacun un « drapeau franco-ontarien » : celui que l’on connaît aujourd’hui et un autre préparé par un groupe d’animateurs culturels d’Ottawa. L’un des animateurs d’Ottawa propose de présenter les deux drapeaux au vote des congressistes, ce à quoi s’oppose le groupe de Sudbury. Comme se le remémore Gervais : « Nous lui avons dit que ce n’était pas la peine d’en discuter parce que le nom était déjà pris. », puisque Gervais et Dupuis avaient déjà fait les démarches nécessaires auprès du Bureau du droit d’auteur.*

Depuis sa création en 1975, l’histoire du drapeau franco-ontarien s’inscrit si intimement dans l’histoire de l’Ontario français qu’il est parfois difficile de l’en dissocier. De plus, son évolution iconographique témoigne de l’adhésion de la communauté à ce symbole maintes fois adopté et modifié qui figure dans plusieurs logos, publications et en-têtes.*

Depuis 1977 et son adoption par l’ACFÉO, il est présent, à divers degrés, dans à peu près tous les moments clés de l’histoire franco-ontarienne. On le retrouve avec parcimonie* dans la lutte pour obtenir une école secondaire de langue française à Penetanguishene.* Au cours de cette lutte, un groupe de militants apporte le drapeau franco-ontarien au premier ministre Bill Davis alors qu’il est à son chalet le 1er septembre 1979 et, qui plus est, on le fait flotter sur le toit de l’école de la Résistance.*

On signale sa présence aussi au fil des années 1980 et 1990 lors de rallyes et de manifestations pour l’éducation postsecondaire en français, que ce soit pour l’Université franco-ontarienne ou les collèges de langue française. C’est cependant dans le cadre de la campagne SOS Montfort*, et plus particulièrement lors du Ralliement du 22 mars 1997, que le drapeau devient réellement un puissant outil de sensibilisation. Michel Gratton, un des organisateurs de l’événement, se remémore : « C’était la première fois que je trouvais beau mon drapeau, la première fois qu’il me frappait droit au cœur, la première fois qu’il signifiait quelque chose de vital pour moi, mon identité et mon appartenance ».* La présence de nombreux drapeaux est, par ailleurs, un effort concerté. À l’initiative de Michel Gratton et de maître Ronald Caza, on cherche à en faire un symbole de la lutte de Montfort tant auprès de la population franco-ontarienne que dans les médias, notamment ceux de langue anglaise qui se disent d’ailleurs « étonnés du succès de cette manifestation de patriotisme franco-ontarien ».*

Au cours des années 2000, le drapeau continue à faire parler de lui. Le 21 juin 2001, le gouvernement ontarien lui confère le titre de symbole officiel de l’Ontario, au même titre que le drapeau ou le blason de la province.* Signe de son importance symbolique, en avril 2003, le refus de le faire flotter en permanence devant l’Hôtel de Ville du Grand Sudbury, sa ville natale, fait couler beaucoup d’encre et mène à l’adoption du drapeau dans plusieurs communautés partout dans la province. En 2006, le premier geste politique du nouveau maire de la ville du Grand Sudbury, John Rodriguez, est de hisser le drapeau franco-ontarien à la Place Tom Davies où on retrouve des bureaux du gouvernement provincial de même que l’Hôtel de Ville. Il y flotte maintenant en permanence. Afin de souligner son 30e anniversaire, un livre, Le drapeau franco-ontarien, est publié en 2005. De plus, depuis 2007, des « Monuments de la francophonie »*, mettant en vedette d’immenses drapeaux franco-ontariens et des plaques qui commémorent l’histoire de l’Ontario français, sont érigées dans l’est de Ontario de même que dans le Moyen-Nord.

En se penchant sur son parcours, on ne peut que remarquer le poids emblématique et patrimonial croissant du drapeau franco-ontarien. Plus qu’un simple étendard, il est dorénavant un outil de lutte et de revendication, un symbole de fierté, et, dans certains cas, l’expression même d’une identité.

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The white of our winters and the green of our summers…

Since “the effectiveness of a symbol always lies in its simplicity,” the Franco-Ontarian flag, like other emblems, makes use of classic design and limits the use of colour.* The flag is divided into two equal halves: on the left, a white Fleur-de-Lys against a green background and on the right, a green trillium against a white background. The Fleur-de-Lys symbolizes membership in the wider French-speaking community, while the trillium affirms Franco-Ontarians’ profound attachment to their native province of Ontario. As for the choice of colours, Gervais and Dupuis wanted to avoid all political connotations. Since red and blue were already identified with political parties, they were ruled out. It was only later that the flag’s creators lent their choice a poetic justification when they affirmed that the chosen colours recalled the white of our winters and the green of our summers.*

A Symbol for All

The Franco-Ontarian flag is much more, however, than the mere sum of its parts, which have been slightly modified since 1975.* Its heritage value resides in the history of its use and the symbolic significance it has acquired among Franco-Ontarians. Although it took time for the flag to be accepted as the common symbol of this heterogeneous community, it unquestioningly fills that role today. As early as 1977, Association Canadienne-Française de l’Ontario [French Canadian Society of Ontario] seems to have officially adopted the flag. However, as Tina Desabrais explains, it was the education system that “played a major role in promoting the emblem and spreading awareness of it in the various communities”.* In 1979, the Ministry of Education of Ontario declared that there was no rule against the Franco-Ontarian flag being flown at schools on the condition that it be flown alongside the Ontario and Canadian flags. Today, Franco-Ontarian schools even hold “flag day” celebrations on September 25th of each year.

However, the symbolic role of the Franco-Ontarian flag goes beyond its use in the area of education. The flag is also flown at events like Nuit sur l’Étang and Festival Franco-Ontarien, at demonstrations and rallies, and in front of government offices and agencies, as well as certain businesses.

History and Evolution

The Franco-Ontarian flag is the result of a period that could be called the “Cultural Revolution” in French-speaking Ontario. In the early 1970s, numerous cultural and artistic initiatives emerged in the province, particularly in the Sudbury area. These included the founding of the publishing firm Prise de Parole, Théâtre du Nouvel-Ontario and Galerie du Nouvel-Ontario, all of which still exist today. These intiatives also include the artists’ cooperative Coopérative des Artistes du Nouvel-Ontario (CANO) and CANO-Musique, whose cultural influence continues to resonate within the province’s arts community today.

Given the context, the 1970s were conducive to the creation of a unifying symbol for a community seeking to define, or rather redefine, its role in Canada following Quebec’s Quiet Revolution at a time when the term “French Canadian” was falling out of use. Gaétan Gervais, a history professor at Laurentian University, and Michel Dupuis, a second-year political science student, were the instigators of the project. Over the course of their meetings and discussions in the “Grand Salon” at Laurentian University, the Franco-Ontarian flag began to take shape. Gervais tells it this way:

We gathered scissors and coloured cardboard and tried different combinations of symbols and colours. The idea was to find a symbol that represented Franco-Ontarians…. We narrowed it down to the current two symbols. I think we found the Fleur-de-Lys in a dictionary and the trillium on an Ontario government envelope.*

They then approached Jacqueline England, the secretary of Student Life at Laurentian University, who took on the task of sewing the first Franco-Ontarian flag.* Then came the official unveiling. Dupuis describes the memorable event: “On September 25th, helped by a breeze that seemed to have been specially ordered for the occasion, a brand new symbol, the Franco-Ontarian flag, floated for the first time from the flagpole at the University of Sudbury.”*

The choice of the University of Sudbury for the ceremony was obvious because of its affiliation with Laurentian University and its symbolic importance for Sudbury’s French-speaking community. This French-language Catholic institution was founded in 1957 by the Jesuits, who also ran Collège du Sacré-Cœur, a classical college established in Sudbury in 1913. When Laurentian University opened in 1960, the University of Sudbury became an affiliated college, but today, it maintains a degree of administrative autonomy.

After the unveiling, the flag did not immediately catch on with Franco-Ontarians, as Tina Desabrais documents in her study in Le Drapeau Franco-Ontarien. One month after the ceremony, the flag was presented for the first time outside Sudbury at a provincial convention of Association Canadienne-Française de l’Ontario in Timmins. At the meeting, two groups proposed different versions of a “Franco-Ontarian flag,” the one we are familiar with today, and a different version created by a group of cultural organizers from Ottawa. One member of the Ottawa group proposed submitting the two flags to a vote by convention participants, a suggestion opposed by the Sudbury group. As Gervais recalls, “We told him that it wasn’t worth discussing since the name was already taken” As a matter of fact, Gervais and Dupuis had already taken steps to register the flag with the Copyright Office.*

Since its creation in 1975, the history of the flag has become so intimately linked with that of French-speaking Ontario that, at times, it is almost impossible to separate the two. Moreover, the evolution of flag-related imagery testifies to the community’s attachment to this widely embraced and frequently modified symbol that often appears in numerous logos, publications, and letterheads.*

Since 1977 and its adoption by ACFO, the flag has played a role in virtually all of the key events in Franco-Ontarian history. It was first used in a rather limited fashion during the fight to obtain a French-language high school in Penetanguishene.* During the struggle for the school, on September 1st, 1979, a group of activists carried the flag to the cottage of the then Premier, Bill Davis. Furthermore, it was also flown at École de la Résistance.*

The flag was a familiar sight during the 1980s and 1990s at rallies and demonstrations in support of French-language postsecondary education, whether for a Franco-Ontarian university or French-language colleges. But it was during the SOS Montfort campaign,* and especially during the rally held on March 22nd, 1997, that the flag really came into its own as a powerful symbol of awareness. Michel Graton, one of the rally organizers, recalls the event: “It was the first time I saw the beauty of the flag; the first time that a sentimental, heartfelt connection was established; the first time it meant something essential to me, my identity, and my sense of belonging.”* The sea of flags at the rally was no accident. Under the impetus of Michel Graton and Ronald Caza, a deliberate effort was made to make the flag into a symbol of the Montfort struggle, both among Franco-Ontarians and in the media, especially the English-language media, which was “surprised at the success of this outburst of Franco-Ontarian patriotism.”*

During the 2000s, the flag continued to make the news. On June 21st, 2001, the Ontario government made it an official symbol of Ontario, along with the provincial flag and the coat of arms.* In a further indication of its symbolic importance, in 2003, the Greater Sudbury City Council refused to fly the flag permanently at City Hall, in its very birthplace, This attracted a great deal of attention and led to the flag’s adoption by a number of communities around the province. In 2006, the first political decision made by Greater Sudbury’s new mayor John Rodriguez was to raise the Franco-Ontarian flag at Tom Davies Square, in front of City Hall and several provincial government offices. Today, it flies there permanently. To mark the flag’s 30th anniversary, a book entitled Le drapeau Franco-Ontarien was published in 2004. Furthermore, since 2007, a series of “Monuments de la Francophonie” [French Cultural Monuments]*, featuring oversized Franco-Ontarian flags and plaques commemorating the history of French Ontario have been erected in Eastern and Mid-Northern Ontario.

Looking back at the history of the Franco-Ontarian flag, it is impossible not to be struck by its growing symbolic and heritage significance. More than just an emblem, it has become an instrument in the struggle and affirmation of Franco-Ontarian identity. For them it is a symbol of pride, and in some cases, a way to express their identity.

Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, 2007:
« Drapeau franco-ontarien » par Stéphanie St-Pierre
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